Le voyage thérapeutique

Buvez…

Le vendredi 16 septembre 1580, à 2  heures de l’après-midi; Montaigne arrive à Plombières. Il a décidé d’essayer les eaux les plus réputées de France, d’Allemagne et d’Italie pour tenter de guérir sa maladie de la pierre. De Plombières, il décrit donc les établissements thermaux – ou, plutôt, son  secrétaire écrit à sa place -, en commençant par le commencement, le goût de l’eau:

Il y en a deux seulement de quoi on boit. Celle qui tourne le cul à l’Orient et qui produit le bain qu’ils appellent le Bain de la Reine laisse dans la bouche quelque goût doux comme la réglisse, sans autre déboire, si ce n’est que, si on en prend pas garde fort attentivement, il semblait à M. de Montaigne, qu’elle rapportait je ne sais quel goût de fer. L’autre qui sort du pied de la montagne opposite, de quoi M. de Montaigne ne but qu’un seul jour, a un peu plus d’âpreté et y peut-on découvrir la saveur de l’alun. »

… Éliminez !

Un siècle plus tard, Mme de Sévigné s’apprête, à son tour, à prendre les eaux. Elle hésite encore entre deux stations, mais la rivalité d’un côté, la proximité de sa chère fille de l’autre vont la décider pour Vichy. Comme Montaigne, elle boit, et comme Montaigne – mais le sujet tient moins de place dans le récit du secrétaire -, elle fait pipi. Mme de Sévigné, elle, le raconte à sa fille, s’autant plus volontiers que, dans la station, les curistes ne parlent, semble-t-il, que de ça :

« J’ai donc pris des eaux ce matin, ma très chère. Ah, qu’elles sont méchantes ! […] On va à six heures à la fontaine, car imaginez-vous qu’elles sont bouillantes et d’un goût de salpêtre fort désagréable. On tourne, on va, on vient, on se promène, on entend la messe, on rend les eaux, on parle confidemment de la manière dont on les rend; il n’est question que de cela jusqu’à midi ».

Et bains alors

Les eaux, on ne se contente pas de les boire, on s’y baigne. Et, pour se baigner, il est plus commode de se déshabiller. En 1580, à Plombières, Montaigne voit le bain se prendre collectivement, les deux sexes ensembles.

« Il y a plusieurs bains, mais il y en a un grand et principal bâti en forme ovale de trente-cinq pas de long et quinze de large. L’eau chaude sourd par le dessous à plusieurs surgeons et y fait par le dessus écouler de l’eau froide pour modérer le bain selon la volonté de ceux qui s’en servent. Les places y sont distribuées sur les côtés avec des barres suspendues à la mode de nos écuries; et on jette des ais par-dessus  pour éviter le soleil ou la pluie. Il y a tout autour des bains trois degrés de marches de pierre à la mode d’un théâtre; où ceux qui se baignent peuvent être assis ou appuyés. On y observe une singulière modestie et il est indécent aux hommes de s’y mettre autrement que tout nus, sauf un petit brait, et les femmes, sauf une chemise. »

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